Une histoire franco-allemande -

  comme des milliers d'autres ?

A quoi bon aujourd'hui se raconter des histoires de famille

par Carl Hofmeister,  Berlin

 

    À première vue, ce qui suit sont des aspects biographiques du jardinier allemand Karl Hofmeister (1885-1960) et de son fils Carl Hofmeister (* 1952). En regardant un peu plus loin, on découvre (par hasard?) des chevauchements avec l'histoire franco-allemande ... et enfin la question est de savoir comment les jeunes d'aujourd'hui peuvent découvrir de nouveaux aspects de leur propre identité.

Ce sont des allusions un peu mystérieuses, je le sais ,  mais je voudrais vous inviter à vous tourner vers le passé et à regarder notre présent en même temps!

Peut-être découvrirez-vous des parallèles dans votre histoire familiale ...

 

    Cela a commencé il y a quelques années avec deux photos montrant deux groupes de jeunes hommes en uniforme pour certains , deux photos qui étaient dans une boîte - ignorées pendant des décennies, incomprises, et sans grand interet immédiat pour  moi. La famille disait qu'ils étaient des « français » qui

travaillaient dans l'entreprise horticole de mon père pendant la guerre.

Je n'avais pas eu l'occasion de poser des questions à mon père sur sa vie. Quand il est mort en 1960 à l'âge de 74 ans, j'avais sept ans. Cet « espace vide » que mon père avait laissé, c'était avant tout une vie entre deux guerres mondiales - et surtout celle entre la France et l'Allemagne !

 

    Ce qui est curieux, c'est que mon père a été prisonnier de guerre en France  de 1917 à 1920. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a lui-même employé de nombreux prisonniers de guerre français ou des travailleurs forcés, dans son entreprise horticole - et je me demande : pourquoi des Français ? A-t-il pu choisir parmi les autorités de l'État de quelle nationalité étaient les travailleurs forcés? Aurait-il pu choisir les français parce qu'il se souvenait de sa propre captivité? Pouvait-il parler un peu français ?

En tant qu'adulte, je me demandais pourquoi j'avais choisi le français à l'école. Mon père était mort depuis longtemps, ma mère ne parlait pas une langue étrangère. Mais : mon premier séjour à l'étranger m'a conduit en France en 1966. Là, dans un village des Alpes françaises, un vieil homme nous réprimandait violement, nous  jeunes garçons germanophones de 12 ans: « Foutez  le camp, les boches ! » Sans doute ma première et la plus impressionnante expérience de mon histoire franco-allemande.

 Albert Camus est devenu mon auteur préféré au lycée (1966-1971) et il y a quelques années j'ai découvert qu’Albert  Camus est mort exactement le même jour que mon père... Mon père n'a pu avoir d‘influence sur aucune de mes expériences, car il était mort depuis longtemps .

Juste coïncidences biographiques franco-allemandes? Naturellement! Ou … ?

 

    A l‘ été 2018 j‘avais par hasard fait la connaissance, à Berlin, d'un vieil homme de Teltow, né en 1935, habitant encore, juste en face du jardinage de mon père, et, il avait connu mon père!  Plus intéressant, encore pour moi  :  il savait que  ces hommes sur les  deux photos :  "Oui, ceux-là  étaient bien des français"

En 2021 je visite le  site internet français de l’AMDTF , une association nationale qui oeuvre pour la mémoire des travailleurs forcés français, exilés en Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale.

C'est le moment où, j'ai eu le grand bonheur de faire la connaissance de Mme. Nicole Godard, Présidente de L’AMDTF. Je lui ai fait part de mes recherches sur mon père et de ces traces  franco-allemandes :

"Pouvez-vous m'aider à trouver, peut-être, des descendants français?"

76 ans plus tard! Un vieil homme comme moi (re)commence de se poser des questions pour trouver … mais : quoi en fait?

Franchement ce n’est pas seulement pour compléter ma biographie familiale, ce n’est pas non plus pour mettre en ordre mon l'album photos.

Mais peut-être que cette recherche ça va m'aider à  m'approcher de  mon vrai but:  atteindre les plus jeunes générations, premièrement la génération des enfants, petits-enfants, puis peut-être même des arrière-petits-enfants de quelques descendants des prisonniers de guerre ou des travailleurs forcés français.

● Alors : quel pourrait être l'intérêt des 15-30 ans d'aujourd'hui,  de faire face à leur propre histoire familiale?

● Y aurait-il des limites insurmontables entre les vieilles histoires familiales franco-allemandes et la réalité de la jeune génération d'aujourd'hui ?

Je ne le pense pas!

Un travail de mémoire efficace ne doit jamais se limiter aux commémorations. Afin d'atteindre les jeunes en particulier, nous devons réunir les deux : les questions élémentaires, les intérêts , les besoins des jeunes et les expériences des générations plus âgées, en particulier celles qui ont marqué les histoires familiales.

C’est surtout une quête  sur notre identité propre . Cela s'applique également à l'intérêt de mieux nous connaître et de faire face à l'inconnu, même au sein de notre histoire familiale, qui a pu être liée à d'autres nationalités et cultures.

Cette démarche  a pour effet, dans le meilleur des cas, ( le modèle qui la sous-tend est toujours le même) : de compléter ou corriger notre propre opinion que nous avons de « l'autre ». Ce serait, par exemple, la capacité à briser nos préjugés, à écouter les opinions étrangères, à reconnaître le nationalisme délimitant ou à surmonter la peur de l'inconnu.

Je sais que mon idée n'est pas nouvelle du tout. Ces idées sont,  par exemple à la base du traité de l'Elysée sur l'amitié franco-allemande de 1963. Mais les grandes idées, il faut toujours les réanimer et les mettre en application au moment present. Alors pourquoi ne pas commençer par appliquer cette démarche à vous-même avec cette question:

Peut-être que MOI j‘ai encore une telle histoire familiale qui n’a pas encore été racontée ?

Une histoire de famille qui n'a pas encore été racontée avec des références franco-allemandes ? (ou franco-algériens ? Ou...?).

Racontons nous les,  racontons les  à nos petits-enfants et arrière-petits-enfants !

J'ai commencé par cette histoire franco-allemande de mon père et je suis toujours à la recherche de traces d'une (arrière) petite-fille ou (arrière) petit-fils français.  Je lance ma recherche , telle „une bouteille à la mer“ et je m’adresse à vous :

◇ Connaissez-vous quelqu'un qui AI TRAVAILLÉ DANS UNE ENTREPRISE DE JARDINAGE à TELTOW (au sud de Berlin) de 1942 à 1945 ?

◇….. quelqu'un qui a dû faire des TRAVAUX FORCÉS chez KARL ou HANS HOFMEISTER (mon père et mon demi-frère, ils étaient les gérants de l'entreprise) ?

◇ … comme PRISONNIERS DE GUERRE  ou COMME TRAVAILLEUR FORCÉ.

Les seuls documents que j'ai, ce sont les DEUX PHOTOS ET DESSINS DE CONSTRUCTION d'une "caserne de prisonniers de guerre ou „de camp de travailleurs forcés“

Je serais heureux de reçevoir des  indications de vous peut-être!

 

Et maintenant je veux revenir au présent. Lors de la commémoration annuelle  de Großbeeren,  le 11 septembre 2021, Nicole représentait les Victimes françaises du Travail Forcé qui ont souffert à cet endroit et dont plus de 200 ont été tués à cause du travail forcé.

Après la cérémonie, Monsieur Tobias Borstel, maire de Grossbeeren, a confié à Nicole une mission : celle de l'aider à trouver une ville jumelle française.

A son retour, elle s'est impliquée, a pris contact avec plusieurs villes françaises, l’une d’elle serait interessée.

Ne serait-ce pas un merveilleux résultat si suite à une petite recherche sur mon histoire familiale, une petite rencontre commémorative en Allemagne et grâce au grand engagement de la fille d'un travailleur forcé français : cela pouvait déboucher  sur un autre projet franco-allemand pour l'avenir ?

 Un espoir en particulier pour les jeunes générations qui sont également intéressées et curieuses d'apprendre de leur propre histoire et de tirer des leçons de notre histoire franco-allemande?

Commençons ensemble, également dans l'esprit du travail de Nicole!

Carl Hofmeister, Berlin, en janvier 2022

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 Un groupe de travailleurs français dans l’entrerprise de Mr  Karl Hofmeister

 

 

Un groupe de prisonniers de guerre dans l’entreprise de Karl Hofmeister

 

 

Le plan pour la construction d’un camp pour des "prisonniers de guerre"